La semaine précédente

Dimanche 6 février 2000, cela fait 8 ans aujourd'hui : nous allons chez des amis à Bourg d'Oisans : au menu, luge, ski et plein de rires ! Alexandre s'en donne à coeur joie, il est d'ailleurs le seul des enfants à ne pas supplier pour être tiré dans la luge à la remontée, ses joues sont d'un rouge !!! Au déjeuner après, quel appétit !! Il prend 3 fois de la mousse au chocolat, je stoppe la 4ème, j'ai peur qu'il soit malade après .... Le reste de la journée, jeux de tous les enfants, cela court et rit dans la maison de nos amis.

Samedi 12 février : Alexandre se réveille grognon de la sieste, il ne veut pas marcher, il couve quelque chose ..

Dimanche 13 février : au réveil, il boîte. Patrick l'emmène aux urgences de l'hôpital ; il en revient avec un diagnostic de rhume de hanche et des antalgiques et anti-inflammatoires. Nous sommes tous rassurés. Cependant, l'interne l'a trouvé maigre, elle s'est demandé s'il ne faisait pas une intolérance au gluten, et a conseillé de prendre RV à l'hôpital.

Lundi 14 février : du bureau, j'appelle l'hôpital ; le premier RV disponible est dans 3 semaines .... je n'aime pas attendre, peut-être aussi que je sens quelque chose ? Bref, je discute, je supplie, j'explique, je passe de secrétaire en secrétaire, finalement, on me trouve un RV annulé pour l'après-midi même, je le prends. Examen, le docteur comprend visiblement qu'il y a un pb grave, sans doute même a-t'il de fortes suspicions sur le diagnostic ... je ne sais pas, je suis encore dans l'illusion du léger problème ; en tout cas, on m'a affirmé que ce n'est pas une intolérance au gluten. Alexandre est placé en observation au "B1" (1er étage du bâtiment pédiatrique) et je reste avec lui. Patrick vient me rejoindre, puis retourne à la maison pour s'occuper des trois grandes soeurs d'Alexandre.

Mardi 15 février : une échographie abdominale (entre autres examens) a été prévue en fin de matinée. Alexandre souffre, il n'est vraiment pas bien. L'échographie se passe, je me souviens des grands soupirs que poussait le médecin (j'ai compris après pourquoi) .... Il est presque midi, je suis dans la chambre avec Alexandre dans mes bras, la porte s'ouvre, 2 hommes et 2 femmes entrent : je comprends en une fraction de seconde que c'est grave ... Il y a le médecin que nous avions vu la veille, celui qui est oncologue (que je ne connais pas encore), une interne et une infirmière. Le mot tombe "cancer" puis neuroblastome ; ma tête tourne un peu, je me mords les joues pour garder la tête droite, je pose quelques questions espoir ? traitement ? .... les réponses sont encourageantes mais le tourbillon atomique qu'a entrainé le mot "cancer" dans ma tête n'est pas près de s'arrêter. Ils sortent, l'infirmière reste avec moi, je m'effondre en larmes. Puis c'est Patrick qui arrive. Pendant qu'il est avec Alexandre, je descends téléphoner, à mes beaux-parents (dans le Nord), à maman (Paris), qui décide de faire ses bagages et d'arriver : le mercredi, elle sera avec nous.

Mercredi 16 février : la maladie ne cesse d'avancer, de façon fulgurante, le foie d'Alexandre grossit de plusieurs cm par jour. Alexandre a de la morphine orale, mais n'est pas vraiment soulagé. Le soir, Patrick propose de rester dormir avec Alexandre, je retourne à la maison (maman y est, avec les filles) pour parler aux filles ; je veux qu'elles comprennent la gravité de ce qui se passe, nous ne savons pas si Alexandre va tenir jusqu'à la fin de la semaine, et je ne veux pas, s'il meurt, qu'elles n'aient pas été un tout petit peu préparées... Dans le chaos, c'est cette idée que j'ai de ne pas les abandonner, qui me guide. Le mot de cancer les terrorise, malgré leur jeune âge (Nathalie a 10 ans, Sandrine 6 ans et demi et Karine 4 ans et demi) ; j'ai choisi de leur dire la vérité, mais aussi de les réconforter : je leur dis donc que, chez les enfants, c'est assez différent des adultes, qu'ils ont plus de chances de guérir, qu'on fera tout pour cela.
Plus tard dans la soirée, Patrick m'appelle, cela ne va vraiment pas, je repars en catastrophe ; j'approche de la porte du B1, deux infirmières sont devant et me demandent si je suis la maman d'Alexandre : j'ai cru que c'était fini ..... en fait, je ne sais même plus pourquoi elles étaient là, rien à voir .... La nuit est mauvaise, les machines sonnent, nous sommes terrorisés, Alexandre a du mal à dormir, malgré la morphine en perfusion.

Jeudi 17 février : Scan MIBG, l'oncologue souhaitait vraiment avoir ce "point de départ" ; mais il a été décidé de commencer la chimio vendredi (et non le lundi comme c'est le cas généralement), car il est probable qu'il ne tiendrait pas jusqu'au lundi. Alexandre est emmené en réanimation pour pouvoir être surveillé en permanence pendant sa chimio de la dernière chance, l'endoxan.

Vendredi 18 février : début de la chimio ; Alexandre est prostré, plus un sourire, plus un regard, à peine conscient. Comme c'est la réanimation, nous ne pouvons plus rester avec lui 24h sur 24, très dur ....

Samedi 19 février : pas grand-chose de changé. Nous emmenons les grandes voir Alexandre (par la vitre, elles n'ont pas le droit de pénétrer en réanimation). Alexandre semble tenir physiquement. Le soir, je suis sur internet, je lis tout ce que je peux, je vais d'horreur en terreur ; je commence à comprendre où nous sommes. Du coup, je demande au médecin de me dire la vérité ; il choisit (je le sais maintenant) de me donner les chiffres officiels (1 chance sur 3), et me décrit le traitement (le protocole) dans sa globalité. Dans un sens, je pense que cela m'a réconforté car c'était bien ce que j'avais lu et il était essentiel que je puisse faire confiance à l'équipe médicale.

Dimanche 20 février : c'est clair, Alexandre va mieux, ses yeux retrouvent leur vivacité, il nous sourit ....

Semaine du 21 février : la résurrection ! la chimio se poursuit puis Alexandre est réintégré au B2 où nous pouvons de nouveau rester en permanence avec lui. Il recommence à marcher ! Ses soeurs viennent le voir et cette visite leur fait du bien : voir sa chambre avec ses jouets, sa télévision avec magnétoscope, elles le trouvent installé comme un prince ! Le vendredi, il galope même dans le couloir (je suis en poussant la potence) ; je me souviens de la réflexion d'une des médecins "mais on ne t'a pourtant pas donné de corticoides, à toi ". Le samedi 26 février, nous rentrons à la maison, reprendre un peu des forces avant la 2ème chimio ....

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